L’or du rugby

Quel pied de nez à Richard Escot qui soigne tant les titres de ses chroniques. J’ai choisi ce titre car c’est celui d’un livre qu’il a écrit en 1998 pour parler d’un de nos plus illustres joueur de rugby: Philippe Sella. Le titre est en fait « Sella, l’or du rugby ».
Or nous sommes 3 ans après la nuit du 26 au 27 août 1995 qui déclare le rugby professionnel: lire ici

Philippe Sella, je l’ai côtoyé à un âge et des circonstances où on ne se souvient pas exactement ce qui s’est passé la nuit précédente, et c’est mieux ainsi. C’était un petit jeune (j’avais deux ans de plus!) de 19 ans fort prometteur, étudiant au CREPS de Bordeaux.
A l’époque, après avoir supporté de manière inconsidérée Agen, j’étais devenu depuis l’âge de mes 17 ans un supporteur acharné de l’Aviron bayonnais. La finale de 1982 est la seule finale à laquelle j’ai assisté et c’est la première fois que Philippe Sella, bien malgré lui, m’a rendu triste.
Mais ce n’est pas le joueur qui a continué à me rendre triste, au contraire, ses exploits sur un terrain ne faisaient que me réjouir.
Mais c’est ce que le rugby professionnel en a fait.
Philippe Sella incarne pour moi les débuts de changements provoqués par le rugby professionnel et la modification radicale du parcours de vie du rugbyman de haut de niveau.
C’est un de mes plus grands regrets liés donc à cette professionnalisation du rugby.
La notoriété de Philippe Sella lui a permis d’embrasser une carrière plus « juteuse » (d’où mon titre) et plus « dans les paillettes médiatiques » que celle d’un simple prof de sport qu’il était devenu. Cela m’a rendu triste.
Rien de choquant à ce qu’il exploite son image médiatique au travers d’une société de communication. Selon les époques, les « reconversions » changent.
Et ce n’est certainement pas cet article (au bas duquel j’ai rajouté une vidéo) qui viendra contredire mes propos et douter de la sincérité de son parcours au fil des années.
Il y était dit « Pour sa carrière, Philippe Sella était prêt à quitter le département. « Je voulais être professeur d’éducation physique. J’avais dit que si je ne réussissais pas, je reprendrais la ferme des parents. Ils m’ont permis de continuer jusqu’au bac, je suis rentré au Creps ensuite, et je n’ai jamais été agriculteur. » Affecté à Gonesse en Île de France, il n’a finalement pas bougé. « En tant que sportif de haut niveau, j’ai été renvoyé à l’Inspection académique d’Agen. Ce n’est pas une volonté, mais c’était mieux ! » Attaché à son Lot-et-Garonne comme une moule à son rocher, il n’a jamais hésité à en faire la promotion jusqu’à l’autre bout du monde.

Il évident que ce parcours ordinaire avec des activités et des aspirations simples aurait pu illustrer le dicton « pour vivre heureux, vivons cachés » s’il était resté prof de sport. Cela lui aurait évité quelques mauvais tours car après avoir créé une société de communication, celle ci s’est retrouvée utilisée comme « outil de communication » d’une célèbre émission de télévision (lire cette page) ou cité dans un article comme celui-là. J’ai été triste pour lui, car ce type de pratique, dès qu’on commence à gagner de (trop?) l’argent semble devenir un « incontournable ».

Et peut être que dans quelques années c’est Clément Maynadier qui incarnera cette réussite et ces déboires liés à l’argent qu’on gagne, cet « or du rugby ».
Lui aussi vient de me rendre triste bien malgré lui.
J’étais en admiration devant son parcours si bien décrit dans cet article par exemple
Il incarnait encore, ce que le rugby peut apporter à un joueur dans son projet professionnel, selon ses capacités : un coup d’accélérateur à une (future) carrière.
Il me faisait penser à Michel Capot (lire ici) que j’ai fréquenté sur le campus de Bordeaux. Non seulement il était un élève brillant en géologie, mais il savait chanter, jouer de la guitare et dessiner comme Gotlieb. Un touche à tout. Il m’avait raconté comment il avait entamé ce tournant de carrière d’Agen à Pau, pour privilégier son avenir professionnel.
Manifestement des ingénieurs véritables, au rugby (comme ailleurs), il y en aura de moins en moins. Car ce sont la finance, l’immobilier et la gestion de patrimoine, les nouveaux « métiers » des sportifs qui réussissent.
Cette fin d’émission de France bleu Gironde (ICI) m’a surpris (comme l’animateur d’ailleurs) et rendu triste. A partir de la 24ème minute l’animateur l’interroge sur son avenir post rugby
« – Demain on va parler de reconversion, mais vous c’est cadré, ingénieur dans l’aéronautique…
– Heu ouais, j’ai changé, depuis 6 mois j’ai changé, je suis directeur d’une agence de promotion immobilière, heuuuuuh, je me suis associé avec « machin » et je développe la branche promotion immobilière du groupe hexagone « 

Souhaitons aussi donc bonne chance pour son après carrière à Wiaan Liebenberg qui a 29 ans décide de mettre un terme à sa carrière:
Liebenberg, qui compte rester en France, a déjà pensé à une reconversion, lui qui avait commencé un Master 2 en gestion de patrimoine pendant le premier confinement. « C’est encore bizarre pour moi de penser que je vais arrêter, reconnaît-il. C’était une super aventure jusqu’à maintenant, mais j’ai très hâte d’en découvrir une autre. Je n’ai pas de crainte pour la vie d’après. J’avais envie de ce changement. »
cf https://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Age-de-29-ans-wiaan-liebenberg-la-rochelle-arretera-sa-carriere-a-la-fin-de-la-saison/1318905